Une allure fondamentale

Entre 2 et 6 km/h, c'est là que se situe l'allure fondamentale. Ce blog en fait l'éloge...

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29mai 2023

Mouliner

Au matin, la curiosité est toujours de mise pour nos colocatrices charolaises. Quand Olivier ouvre l’œil puis sa tente, il ne comprend pas immédiatement le spectacle qui se joue derrière lui. Mon large sourire directionnel et mon bâton de vacher le mettent sur la voie… Nous n’incarnons pas plus le danger que la bouffe et les ruminants auront tôt fait de retourner à leurs affaires.

Ce qui nous permet de préparer les nôtres. Encore quelques heures de pagaie avant de rejoindre notre destination finale, Moulins. J’accomplis à nouveau ma routine d’expéditionniste, seul élément stable dans l’environnement changeant du nomadisme.

A peine à l’eau, l’Allier nous enveloppe et nous emporte plus loin. Au détour d’un méandre, j’aperçois un sanglier qui vient s’abreuver, lui ne m’a pas vu, ce qui laisse le temps d’observer cette scène biblique pour moi inédite. M’ayant maintenant repéré, le cochon retourne expressément se fourrer dans l’épaisseur des herbes du rivage.

La chaleur s’intensifie, la fréquence des ponts également. Nous nous approchons de midi et de Moulins. Pensée émue pour mon embarcation gonflable, qui signe aujourd’hui la fin de son dernier long voyage après presque quinze ans de bons et loyaux services.

A l’arrivée, le lundi de Pentecôte tient ses promesses. On vient profiter de cette belle journée. Bronzage, farniente , pique-nique… Neuf heures de pagaie pour 65km m’annonce mon camarade statisticien. Le record de vitesse d’Allure Fondamentale ! Mais surtout quel plaisir…

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28mai 2023

Sur la réserve

La brume de l’aube s’évanouit avec le jour. La fraîcheur s’enfuit devant un soleil sans bémol. J’enchaîne machinalement et délicieusement les étapes matinales du lever de camp. Pisser comme un bienheureux. Faire partir un café. Sécher la tente. Plier son duvet. Petit déjeuner dans un réfectoire luxueux. Ranger les sacs dans les bidons étanches. Puis les bidons dans les bateaux. Contraintes dont on ne se lasse puisqu’elles annoncent le plaisir de se faire porter par le courant.

La réserve du Val d’Allier sera aujourd’hui notre fil rouge. Il faudrait théoriquement s’en éloigner pour pouvoir bivouaquer. Mais notre timing flaire déjà bon le campement illégal, façon garimperos… Nous profitons de la température encore clémente pour avancer. Une progression facile, exquise.

Nous choisissons pour la pause méridienne une plage à la confluence de la Sioule. La rivière est large, le paysage dégagé, la chaleur accablante car l’ombre absente. Une énorme souche et une grande bâche permettront de bâtir un abri éphémère et salutaire. Un pique-nique conséquent doublé d’un soleil écrasant nous forceront au temps calme, sieste pour mon frère d’armes, correspondance numérique pour ma part.

La seule possibilité de ravitaillement en bord de rivière se présente après le pont de Châtel Deneuvre sous la forme d’un petit camping. L’accostage y est folklorique, la berge pas aménagée. Mais tout ce dont nous avons besoin y sera : des sanitaires pour nos réserves d’eau, de la bière fraîche, une glace. Pour ce qui est de la soirée Moules Frites, on passera notre tour, préférant mettre à profit notre légère ébriété pour pagayer sous une chaleur maintenant bien plus humaine.

La quête du Feng Shui nous fera dévisager quelques plages propices au bivouac. Après quelque hésitation, nous en choisissons une. Une vaste plage de cailloux, une terrasse à l’herbe rase, signe de la présence des vaches, charolaises probablement. Sont elles encore là? La taille du pré est difficilement sondable à l’œil nu… Si elles n’ont pas déménagé, elles viendront se désaltérer ici, leur accès à l’eau est bien marqué…

Effectivement, elles viendront boire et faire connaissance avec les éphémères voisins que nous serons ce soir. En montant ma tente, je surveille les jeunes veaux, agités et curieux. Mais sans faire croire aux mères que je pourrais être un danger pour les petits. Car, à coup sûr, ça ne plairait pas au taureau qui dépasse allègrement la demi-tonne.

Pour limiter le nombre de chefs d’accusation, nous ne ferons pas de feu dans la réserve. Grâce au butane, le petit salé aux lentilles atteindra la température réglementaire.

Mes yeux se perdent dans le ciel de nuit. Le trafic y est intense, les satellites innombrables, l’immensité totale. Le bord d’Allier et les reflets mous de la lune dans les vaguelettes sont moins vertigineux, mais l’échelle me convient mieux.

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27mai 2023

Remise à l’eau

C’est bien à grands coups de pompe qu’on se remet le pied à l’étrier de la progression lente. Vichy/Moulins. Une paire de bateaux sur l’Allier pour le week end de la Pentecôte. La suite du Pont du Château/Vichy de la Pentecôte 2020. Toujours avec Olivier. Toujours avec le beau temps. Toujours dans le cadre des séances de rattrapage de ce qui n’a pu être parcouru d’une traite. Après cette session de canoë, me restera une randonnée basque pour valider une traversée intégrale de la France sans moteur, cette fois chaussures aux pieds et sac au dos.

Après quelques minutes de pinaille sans intérêt, je comprends que le fond de mon bateau ne se gonflera pas. Avec ses deux seuls boudins latéraux, mon embarcation tient plus du hamac nautique. La largeur du lit suffisante et le niveau d’eau élevé devraient palier au manque de maniabilité du prototype. La flottabilité de mon compère lui garantira donc une avance constante…

Le week-end de Pentecôte est annoncé estival, tout le monde est sur la route. Nous entrons dans l’intimité de la rivière au niveau du pont Boutiron, il n’y a plus personne. A plus de cent mètres cubes par seconde, le paysage défile allègrement, sans effort. Berges épaisses à l’extérieur des virages, plages de gravier à l’intérieur. Les alentours du pont de Billy nous offre une parenthèse humanisée. Étrangement, en bord d’Allier, c’est la rumba congolaise qui est à l’honneur, j’en reconnais les attributs rythmiques…

Vient ensuite le temps de se trouver une plage où dormir. Tout y sera, coucher de soleil, apéritif, grillades, feu de camp. Le monde est à nos pieds, les dieux sont avec nous. Sur ma couche de sable fin, qu’il fait bon dormir.

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29août 2022

A la maison

I’m back and I’m proud.

Fin du chapitre 2022

28août 2022

Bruxelles

Chargé comme un mulet, je peux enfin passer le portique et monter dans l’Intercity direction Bruxelles, correspondance Rotterdam. Je suis maintenant plongé dans la vie normale, c’est le chemin du retour, à grande vitesse. Je descends à Bruxelles Nord pour rejoindre les amis à Schaerbeek. Le vrai retour en terre latine. Circulation anarchique, bonnes et mauvaises odeurs, cris divers et variés… Un dimanche bien plus calme avec les amis, leurs amis, leurs enfants. Je me rends compte être devenu bien sauvage, le retrait est presque devenu réflexe. Peut être le défaut d’un voyage dans ma bulle. Car une bulle de bien être.

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25août 2022

Leeuwarden

e soigne mes dernières heures hollandaises. Le luxueux salon agathachristien et le buffet labyrinthique du petit déjeuner s’y prêtent tout à fait. Mon emploi du temps également, n’ayant prévu le trajet vers Bruxelles que pour demain. Alors je me vautre dans le cuir des fauteuils club et imagine un mauvais huis clos. Je suis Hercule Poirot.

Une cinquantaine de pas me propulsent jusqu’au guichet de la gare, juste en face. J’y glane deux infos, deux nouvelles : une mauvaise et une pas bonne. 1) Il sera impossible de passer les portiques avec ma fidèle carriole, trop large. 2) Demain, c’est la grève des trains, trop classe!

Et il va donc falloir : 1) Trouver un moyen d’atteindre le quai de la gare avec tout mon barda pour monter dans un train. 2) Rester un jour de plus à Leeuwarden pour évincer la grève.

Mon brainstorming tient maintenant de l’Escape Game. La marche aidant souvent à trouver des solutions, je pars faire un tour à pied, au hasard. Devant le Flower Power Coffeeshop, je me dis que l’achat d’une tête verte à une tête blonde pourrait aussi faciliter ma prise de tête. Une réunion d’une heure (en tête à tête bien sûr) pour ne trouver qu’une seule solution permettant de rentrer par voie ferrée.

Démonter la Carrossa pour la rendre la plus plate possible, de la taille d’un trop gros bagage. Puis acheter une grosse valise pour y fourrer ce qu’il y avait dedans. J’y fixerai mon bidon étanche, façon VRP du Yukon. Et il faudra se résoudre à laisser tout ce qui ne rentrera pas sous la forme d’un monticule dans la chambre d’hôtel.

Me voilà de retour dans la logistique serrée de la vie normale, des contraintes bien moins poétiques que celles d’un itinéraire à pied où le dilemme ne se porte souvent que sur la beauté du chemin à prendre ou la météo annoncée. Je continue ma déambulation dans les rues streetartistiques de Leeuwarden, prêt à dévaliser une bagagerie. Il faudra attendre la troisième boutique avant de trouver la contenance adéquate. Le vendeur me fera une remise, sensible à mon projet faiblement carboné. Dernière déconvenue, impossible d’acheter un billet de Thalys en raison de l’excès de bagages, alors que, patronymiquement, le carré VIP devrait m’y être réservé.

La grève des trains me permettra finalement d’aboutir ma nouvelle configuration, qui, bien que la plus ergonomique possible promet quelques moments de sport de gare, la correspondance à Rotterdam Central notamment.

24août 2022

Rejoindre la terre

Tout a une fin. La marche, les vacances à Vlieland, l’été… Je profite une dernière fois des quelques kilomètres somptueux qui longent la mer des Wadden jusqu’à l’embarcadère. Vlieland m’a enchanté et je reviendrai chercher mon trésor.

Un ferry quasi-vide m’emporte pour deux heures de croisière iodée jusqu’à Harlingen. Plus d’air marin à l’arrivée, la chaleur est vénéneuse. J’observe le quartier en m’abritant à l’ombre de la capitainerie. Je reviendrai ici-même pour un prochain départ en direction du Danemark et je suis devant un bateau de Vikings du XVIeme siècle…

Je monte dans le prochain train pour Leeuwarden, sans que mon chargement ne pose de problème de gabarit. À destination, je dois utiliser le portique destiné aux handicapés pour sortir. En suivant une chaise roulante de près, je ne scanne pas mon QR Code d’homme valide et pense déjà au prochain trajet vers Bruxelles, après demain. Meilleur des présages, les bureaux de la compagnie nationale sont fermés pour cause de grève. Je suis accueilli comme un prince saoudien à l’Oranje Hotel et oublie vite ces petites tracasseries du monde moderne qui occuperont ma journée de demain.

Après tout, je suis un homme d’affaires, la mienne. L’affaire est conclue. J’ai vendu et j’ai acheté au prix qui était le mien en respectant les termes du contrat.

Santé.

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20août 2022

Dans mon île

La fluorescence des verts de cette pinède augure déjà du meilleur et me conforte dans l’idée que Vlieland marquera au mieux la fin de ce voyage estival. Je descends de ma dune jusqu’à la mer des Wadden. La lumière m’apparaît comme sonore et la levée de l’Astre a la magie des nuits d’acide. A peine plus d’un millier d’habitants vit à l’année sur ce confetti de douze kilomètres de long sur quatre de large. Le tiers de l’île est un banc de sable classé zone militaire. Une seule rue distille les commerces essentiels. Très peu de voitures.

Je retrouve enfin du sauvage. Couché dans le violet des bruyères en fleurs, j’observe le ballet des abeilles. Si près que ma myopie n’est plus un handicap. Les butineuses préparent l’hiver et travaillent sans relâche, mon job est fini et j’ai bien travaillé. Un travail fait de préparation, d’efforts. Et un salaire distribué entre le corps et l’esprit, ouvriers du labeur. Décrassage physique et détartrage mental, voilà ce qu’on gagne à voyager à pied. Mais ce qu’on y vit va bien au delà de ce qu’on y gagne. Le chemin l’emporte sur l’objectif.

La progression « pas à pas » impose son hyper-présent, temporalité bien différente de la vie de tous les jours, guidée par une projection future. L’effort de la marche réduit souvent l’avenir à l’heure qui suit, le moment où on rejoint un col et sa source, un arbre et son ombre, une gargote et son plat chaud. L’aventure à pied produit une inversion des flux temporels. Ce qui peut être troublant et sans doute ce qui en fait un sport admiré mais peu pratiqué.

Souvent on en connaît les limites, puisqu’on part pour un temps ou jusqu’à un point bien défini. Un avenir tout tracé fait pour nous rassurer. Le présent est par contre pétri d’inconnus. Chaque minute est une découverte, un sentier qu’on ne connaît pas mène vers une bourgade qu’on ne connaît pas. Qui vous oriente vers un coin inconnu où on plantera sa tente pour la nuit. Un endroit qui n’aurait pu être imaginé au matin même.

Nos vies sont à l’inverse. Un quotidien bien programmé pour un avenir incertain. On sait où on dormira ce soir, à quoi ressemblera la journée de demain. Mais bien malin celui qui peut dire ce qu’il se passera dans dix ans…Et c’est bien souvent ce vertige qui nous empêche de vivre pleinement le présent.

En m’arrêtant de marcher, je revois le chemin parcouru et commence à imaginer la suite. L’instantané n’a plus la même saveur, même si la vie est douce sur l’île de Vlieland. Mes balades à vélo sont des rêveries en mouvement, naviguant entre rétrospective et perspective. Un jour de l’année 2009, j’ai tracé une ligne droite entre Dakhla et Rovaniemi, me promettant de rallier un jour ces deux points. Et c’est encore ce coup de crayon qui dicte mon programme d’aujourd’hui et alimente mes rêves de demain.

A Vlieland, je suis un vrai vacancier et quelques jours de sédentarité me font déjà prendre des habitudes bien différentes de celles de ces deux derniers mois. Je prends mon premier café dans la dune, ne me lassant pas du lever de soleil. Puis je traîne au camping jusqu’en fin de matinée en grignotant, commençant de trier mes effets nomades en vue du trajet retour.

Je déjeune à l’heure du déjeuner.

Par exemple mon déjeuner dominical à l’ancien relais de poste. La canneberge est la reine de la carte. Le resto est bondé, je ne m’attarde pas, j’avale mon très bon burger et file faire la sieste au milieu d’un buisson de baies rouges. En position romaine, je déguste étendu sur ma couche végétale mes premières cranberries fraîches et sauvages que je ne connaissais que sèches et cultivées par l’homme. Un régal piquant et sucré. Le chef cuisinier ne s’y était pas trompé. La maturité est juste parfaite. C’est déjà la deuxième première fois après avoir vu un phoque en arrivant sur l’île par bateau.

J’aime Vlieland.

Les après-midis , je divague en bicyclette, alternant entre points hauts et bords de plage. Je rend visite aux chevaux frisons du club hippique puisque nous sommes en Friesland, la région de Frise. Une race bien connue des amateurs.

Je goûte à l’heure du goûter.

Quelque chose de gras et trop sucré, Pannenkoeken ou Poffertjes. Un jus ou une Kipik pour la fraîcheur.

Je fais l’apéro à l’heure de l’apéro.

Bière et soleil.

Je dîne à l’heure du dîner.

Plutôt au camping, les restos ne proposant rien de folichon pour un prix exorbitant. De plus, j’ai des cartouches de gaz à finir et commence à avoir sérieusement envie de cuisiner. Et puis ce camping est un havre de paix qui mérite qu’on s’y attarde.

Il fait partie du réseau « terrain de camping nature » Pour hippies scientifiques. Ici, on ne plaisante pas avec l’éco-camping. L’endroit est isolé, à l’Est de l’île. Cinq kilomètres le séparent de l’embarcadère du ferry et de la rue commerçante. Premier filtre car seuls les locaux peuvent circuler en voiture. L’accès est interdit à tout véhicule, il n’y a de toute façon pas de parking. Donc pas de camping cars, pas de fourgons, pas de voitures. Mais à chaque contrainte, son alternative. On vous prête gracieusement charrettes à bras et remorques à vélo pour acheminer les bagages. Un mini-bus payant peut aussi transporter matériel et personnes à mobilité réduite. Pas d’électricité pour les campeurs. Mais, comme à la piscine, vous avez votre casier dans les parties communes. Il contient deux prises pour charger téléphones et batteries. Trois congélateurs sont remplis de pains de glace. Des bacs à disposition pour faire glacière. Un bac, deux pains : tout le monde a son frigo. A recharger deux fois par jour pour une chaîne du froid efficace. Le bloc sanitaire est impeccable. J’apprends au bout de deux jours qu’il est uniquement entretenu par les vacanciers, l’autogestion est ici parfaite. Quelques gadgets utiles, comme les centrifugeuses manuelles pour la lessive, sèches linges préhistoriques. Une épicerie gratuite se constitue des dons des campeurs. On laisse en partant ce qui devient inutile, une conserve, de la moutarde, un paquet de pâtes entamé. De sorte qu’on puisse se dépanner à toute heure du jour ou de la nuit. Logiquement, l’accueil n’est assuré que deux heures par jour par le garde forestier. Tout le monde sait se prendre en main. Et puis l’automate 24/24 assure la plupart des transactions, même le choix des emplacements.

Le modèle est efficace, tout se concentre sur l’essentiel. On vient chercher ici calme et espace, denrées de luxe dans un pays densément peuplé.

Ma vie d’insulaire se termine, il va maintenant falloir rentrer à la maison, à 1500km plus au sud. Et retrouver les codes de la vie normale, délaissés joyeusement pendant ces deux mois d’été. J’enterre symboliquement un petit trésor au pied d’un pin. Je sais qu’un jour j’y reviendrai avec une pelle de plage pour l’exhumer. Ce sera un grand jour. La fin d’aujourd’hui sera le commencement de demain. Et je reprendrai ma route vers le Nord, à pied, comme il se doit.

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19août 2022

Vers Vlieland

Le spleen des deux derniers jours s’en est allé avec le mauvais temps. Le moral regonflé, j’avale mon petit déjeuner en préparant ma lunch box. Je me suis maintenant fait à l’idée de ce programme exclusivement touristique. La ponctualité du taxi sera d’une précision chirurgicale et j’arrive à la cahute pour retirer mon billet avec une avance princière. Deux jeunes sœurs blondinettes s’agitent derrière le guichet avant l’ouverture, imminente. J’arrive preum’s au comptoir pour me faire dire, avec un grand sourire, que j’ai acheté un billet aller-retour dans la journée pour Vlieland. Un trajet uniquement destiné aux piétons, aucun vélo à bord. J’ai déjà compris que je ne serai pas de ce voyage sans bagage. J’explique mon désarroi , ayant réservé un ticket pour Terschelling. J’exagère un peu en disant avoir payé mes trois prochaines nuits de camping, ce qui est faux. Le premier verdict est sans appel, je ne pourrai embarquer que demain et moyennant surcoût. Prenant une tête la plus déconfite possible, je déroule mon argumentaire d’idiot du village. Pas de site en anglais, je confesse avoir fait n’importe quoi. Les sœurs se réunissent et se parlent inutilement à voix basse car même à faible volume, leur langue me reste étrangère. De cette discussion jaillit la solution, je vois qu’elles ont pris pitié. Elles me trouvent une place pour 17h aujourd’hui et cette fois, je pourrai embarquer ma charrette. Pas de surcoût, sympa. Elles s’assurent toutefois que la largeur de mon engin corresponde avec celle de la passerelle menant au navire. Validé.

Le timing de la journée a maintenant bien changé. Je refais les calculs. C’est serré. Peut être pas faisable, en tous cas, millimétré. Qu’on se le dise, le Waddentaxi partira pour Terschelling à 19h05 du port d’ Oost Vlieland. Une demi-heure de bateau jusqu’à Vlieland. Une demi-heure de camion pour traverser la partie sableuse de l’île jusqu’à l’ancienne maison de poste. Restent 45 minutes pour rallier le port à huit kilomètres, impossible. Je réserve un taxi, c’est la journée. Il est maintenant 10h, quartier libre jusqu’à 16h.

Je comprends pourquoi De Cocksdorp était complet. Le village est aussi minuscule que charmant. Je m’y offre une flânerie digne de ce nom et quelque rafraîchissement. La journée s’écoule doucement, comme il se doit quand on est en vacances. La côte Nord-Est de Texel est inspirante, bien plus sauvage que ce que j’avais vu jusqu’alors.

Je m’habitue peu à peu à ne plus marcher, mais ça fait quand même un vide. Je tente de justifier ici ma présence immobile, mon logiciel était conçu pour avancer, j’attends la mise à jour.

Enfin l’heure du bateau Playmobil est arrivée !! Une séance de pilotage s’impose avant de monter, cent mètres sur la passerelle. Pas d’autre choix que celui du compas dans l’œil. Nous larguons les amarres. Nous quittons Texel. Un phoque tourne autour du bateau, tout devient féerique, on se sent loin, quelque part et nulle part, un monde sans repère. Je me laisse aspirer par cette bouffée délirante jusqu’à voir le sable jaune de Vlieland. L’épreuve de force pour débarquer vélos et remorques ramène tout ce beau monde à une réalité moins poétique. L’entraide est de mise et tout se passe bien moyennant sueur. Les pieds dans le sable, on rechargera le tout dans un poids lourd de type Paris-Dakar, adapté aux sols meubles. Petit speech de bienvenue de la part du chauffeur, le gars a de l’humour, parfait. Trente minutes folkloriques entre secousses et rebonds. La plage n’en est pas une, il s’agit d’un banc qui représente le tiers de la surface de l’île, un petit désert, simplement magnifique. Tout le monde débarque sur ce confetti au parfum de bout du monde.

Le taxi m’appelle pour me signaler son retard…d’une minute! En dix minutes de trajet jusqu’au port, j’ai le temps de comprendre l’essentiel. Vlieland est petite, sauvage et peu peuplée, que de bons critères…Le chauffeur me dépose au charmant petit port de plaisance, m’indique le minuscule Waddentaxi pour Terschelling. Arrivé devant le ponton cinq minutes avant le départ , je comprends immédiatement que je ne ferai pas partie du voyage. L’accès se résume à une ouverture de 50cm dans la coque du navire, située à 1,50m au dessus du quai. Le capitaine, patibulaire au possible, me fait bien comprendre qu’il ne faudra pas compter sur son aide pour faire passer mes cinquante kilos à bord. Mais bien qu’en pleine déconvenue, j’affiche un sourire plus large que la porte du bateau, Vlieland m’a tout de suite fait vibrer, maintenant, elle me retient. Je suis un otage heureux, percuté de plein fouet par le syndrome de Stockholm.

Je fête cette merveilleuse rétention en sirotant une bière au goût de victoire. Il est maintenant 20h, je ne sais pas où dormir mais la pinède est toute proche, prête à m’accueillir, je le sais, je le sent. Quelques centaines de mètres à s’enfoncer dans la forêt, clairsemée comme celle des Landes. Je monte ma tente à la tombée de la nuit en sifflotant, détendu. A Vlieland, j’ai trouvé mon paradis pour en terminer avec cette longue marche.

Un petit bout du monde propice à l’introspection.

En m’endormant, je me souhaite Bonnes Vacances.

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17août 2022

De Koog

Mercredi. Malheureusement impossible de compter sur une erreur des prévisions hygrométriques. La danse de la pluie va commencer sans tarder. Le ciel est vraiment chargé, inutile de croire à une brève averse. Je me hâte de mettre mes effets à l’abri et me félicite de ne pas faire de grasse matinée. J’en ai presque terminé quand le mur d’eau s’abat sur le camping. Mon étanchéité ne tient qu’à une bande de 50cm de large le long du hangar agricole. J’y dispose mes affaires en rang d’oignons sur vingt mètres. La proprio me salue aimablement, les seaux qui tombent du ciel semblent l’avoir rendue plus loquace. L’éclaircie est prévue pour la fin de matinée, ce qui laisse le temps à mes branchies de se développer. Le temps de boire quelques cafés, le temps de reprendre ma réunion avortée de la veille. J’achète en ligne un aller pour Vlieland. Tout est complet jusqu’à vendredi, dans deux jours, j’attendrai. Je prends aussi le ticket pour Terschelling, l’île suivante. Aucun hôtel à De Cocksdorp, l’embarcadère pour Vlieland, je me résigne à rester à De Koog, mais logé dans le confort d’un quatre étoiles. Pour attraper mon bateau, je n’aurais d’autre solution que celle d’appeler un taxi, je ne suis pas monté dans une voiture depuis le 20 juin…Et c’est cette entorse à mon règlement qui mettra fin à ma progression vers le Nord pour l’été 2022. Je choisis Harlingen, sur la côte, pour marquer mon point d’arrivée et donc mon futur point de départ. Les jours qui me restent seront des jours de vacances. Je migre vers mon nid douillet dès que possible, quoi de plus sage que de commencer ses congés par savourer la pluie plutôt que de l’affronter?

Jeudi. Mes premières heures d’oisiveté m’anéantissent plus qu’elles me régénèrent comme si ce qui faisait ma force s’était envolé. Et puis De Koog n’est pas non plus le Jardin d’Eden. J’y passe ces deux jours entre chambre et plage, entre fierté et mélancolie, délaissant les trop nombreuses et inutiles attractions de la petite station balnéaire. Je comptabilise sans panache les kilomètres parcourus jusque-là, 1150. De quoi être content, mais en bon Français, je sais trouver la recette pour que rien ne soit bien.

La solution est peut-être de changer d’air, de changer d’île. C’est le programme de demain. Un programme bien ficelé mais plein d’inconnus. Ma charrette et sa largeur pourraient être un problème. Je n’ai pas pu décrypter les conditions d’accès à bord, les bagages autorisés. On verra. Un premier bateau partira pour Vlieland à 9h30. Un second en repartira pour Terschelling un peu moins de dix heures plus tard. Mon premier rendez-vous, un taxi à 8h15, le petit déjeuner commence à 8h…

Le soleil ne dicte plus mes journées. Je ne suis plus un pèlerin.

16août 2022

Texel

Je ne fais pas le tour des agences immobilières à Den Helder. Tout juste un tour à l’office de tourisme pour glaner quelques infos sur les îles frisonnes. Madame de l’accueil ne veut guère coopérer, spécialité de pays, m’annonçant à peine les deux ferries par heure pour la première île de l’archipel, Texel. Pour mes renseignements, et à froideur équivalente, je choisirai mon smartphone, très docile et très complet, au moins en néerlandais…

Texel, c’est la plus proche, la plus grande. Les vingt minutes d’un énorme bateau tiennent plus du transport en commun que de la croisière. Je reste en compagnie de ma Carrossa, inutile de monter sur le pont. Le navire déverse sa cargaison de touristes dans un décor bien différent, tout est devenu propre et mignon. Je me désaltère au premier café et remarque que les prix eux aussi ont fait peau neuve et vers le haut, on passe au tarif insulaire.

C’est le moment de faire une grande réunion, prendre quelques décisions. Quel sera le point d’arrêt de cette cuvée 2022. Choix important puisqu’il définit aussi le point de départ d’une prochaine session en direction de Copenhague. Trouver un camping pour ce soir. Un hôtel pour les deux jours suivants, on annonce de gros cumuls de pluie. Si possible à l’Est de l’île, d’où part le bateau pour Vlieland. Me dépatouiller des sites sans version anglaise pour acheter ces fameux tickets « d’île en île »

Mes recherches n’aboutissant pas, j’abrège la réunion et m’en tiens à la réservation d’un camping à la ferme, chez Astrid. Direction De Koog, la côte Nord, à quinze kilomètres du port de Horntje. Arrivé au bled à 17h, je m’attable devant douze travers de porc, maintenant adapté aux horaires et plats locaux. Une promenade digestive m’emmène jusqu’à mon délicieux dortoir, un pré vide à côté du manège des chevaux.

Seule agitation dans cette douce quiétude, les prévisions météo pour demain matin…

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15août 2022

Vers Den Helder

Comme à l’accoutumée, le camping baille encore aux corneilles tandis que j’amorce le départ de ma longue étape du jour. Den Helder, c’est la fin de la Hollande du Nord, après, c’est la Frise, la région septentrionale des Pays Bas.

La physionomie du parcours est on ne peut plus simple. Vingt kilomètres en ligne droite entre la route et la dune puis dix au cœur d’une jolie forêt sableuse, et enfin les cinq derniers en bord de mer jusqu’au centre-ville. Je mets les gaz sur le premier tronçon, sans grand intérêt. J’arrive aux abords de la pinède en un peu plus de trois heures de marche sportive. Je profite ensuite plus lentement de la fraîcheur relative à l’ombre des pins maritimes, sans toutefois lambiner. Mes paupières crépitent, je pourrais facilement taper une sieste mais je résiste à l’endormissement et continue mon chemin. La voûte végétale protectrice se disloque peu à peu pour laisser place à une digue bétonnée annonçant l’environnement urbain à venir. Les derniers hectomètres sont ponctués d’une pluie fine et presque sèche. La vue dégagée sur la mer invite à la pause contemplative ( Je crois la n°524…) et je ne me fais pas prier. Le saupoudrage des bancs publics a été finement calculé, je ne peine pas à trouver une place de choix. Je savoure.

Mais derrière la digue se trouve le côté sombre. La ville est déserte, on peut comprendre vue sa laideur mais quand même. Elle est sale, ce qui est rare dans ce pays. Les hominidés que je croise sont bien abîmés, fait également notable. Mais toujours moins abîmé que l’hôtel que je me suis réservé. J’avais le choix entre le quartier du port que je traverserai demain et celui de la gare, collé au centre ville. J’ai choisi l’ambiance ferroviaire et la proximité des commerces. L’hôtel est à démolir, la cage à lapin est à 120€ la nuit, les concurrents, plus chers, sont complets. Le réceptionniste ne coopère pas, essaie de me refiler la plus miteuse de ses cellules. Mais je mènerai le combat, me sachant prisonnier de ce taudis. Je lui ferai ouvrir un local sûr pour ma carrossa, il me fournira un ventilo pour éviter une mort par suffocation et je choisirai la moins pire des chambres insalubres. Le seul projet de rénovation sérieux, un pain de plastique, façon boulangerie corse. Mon imagination devenue fertile me fera boycotter le restaurant. Quand on pulvérise sa CB, autant épargner son tube digestif. Je finis malgré tout et paradoxalement chez le clown à cheveux rouges devant le rodéo/scooter des livreurs de chez Domino. Le 15 août n’est ici pourtant pas férié mais en a la glauquitude. Je fais quelques courses à la tombée de la nuit, avant la fermeture. Ne restent que les zonards. J’y ai finalement ma place. Point positif, sûrement lié aux points négatifs, les magasins de café sont bien achalandés.

Dans mon cagibi surchauffé, les bras de Shiva m’accueillent pour la nuit.

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14août 2022

Promenade du dimanche

Aujourd’hui est annoncé comme le jour le plus chaud de la semaine. Effectivement, à l’aube, déjà très peu d’humidité. Je décide de ne pas traîner pour profiter des heures encore un peu fraîches. La première moitié du camping dort, la deuxième prépare doucement son petit café, je me mets en chemin.

On est dimanche, il fait beau, on est au bord de la mer, dans un parc naturel. Il faut s’attendre à voir du monde. Je n’aime pas les dimanches et leur inactivité chronique. Et j’adopte un rythme soutenu, en décalage avec celui de mes congénères, désespérément lent. Au fur et à mesure de mon avancée vers Camperduin, l’objectif du jour, la cartographie numérique devient imprécise, les chemins sensés être revêtus ne le sont pas ou seulement partiellement. Peut être l’ont-ils été mais le sable a fait son œuvre et il n’y a plus rien pour empêcher mes roues de s’enfoncer copieusement. Malgré tout, je ne dévie pas de mon trajet initialement prévu, prêt à subir l’épreuve de force qui se présente alors. Torse nu, je progresse lentement, franchissant les dunes une par une, consciencieusement et ruisselant de sueur. Et c’est seulement au bout de quatre heures que je rejoint le bitume des vélos et la nonchalance de leurs conducteurs. J’arrive à Camperduin en fin d’après-midi, au bon moment pour un resto bien mérité. Un plat trop gras et trop cher comme souvent, mais qui me permettra de me passer d’une séance de cuisine au camping, pourtant quasiment seul gage d’un repas équilibré.

Demain, j’irai au bout de la terre. Viendra ensuite l’archipel des îles frisonnes. J’en choisirai une comme terminus et y passerai quelques jours de vacances avant de rentrer à la maison. Il ne me reste pas grand chose à me mettre sous la dent qui est ma semelle.

Et quand j’aurai fini tout le gâteau, vais-je penser à ce que je viens de manger ou à ce qui arrivera dans le four?

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13août 2022

Séparation

Un nouveau jour d’adieux puisque mon acolyte prend aujourd’hui le chemin du retour, direction Bordeaux. Un long trajet en bus qui personnellement me serait difficile. Je remercie Bertrand de tout cet investissement, je sais aussi qu’il n’est pas toujours facile de se soustraire aux obligations familiales, surtout pendant les vacances scolaires.
3000km de transports pour venir en marcher une centaine avec son pote, je me sent gâté, vraiment privilégié. Et c’est déjà l’idée d’une nouvelle session à l’allure fondamentale qui occupera mes pensées de ce jour.

Chaleur aidant, je nous voie viser Tanger depuis les hauteurs de Chefchaouen. Rejoindre la mer par les montagnes du Rif, c’est ce qui nous attends mon poussin, une belle promenade d’une semaine. Je ne tarderai pas à me mettre en cuisine pour nous concocter une savoureuse expédition car c’est un plat à cuisson lente.

12h08, le bus emporte Bertrand. 12h12, je retourne à mes vacances studieuses et attaque la courte étape du jour sous un soleil toxique.

J’arrive à mon camping à la ferme en fin d’après-midi, un peu rôti. La mamie m’accueille en néerlandais et ne connaît pas d’autre langue, elle me fait une visite explicative des lieux assez poussée. Sans audio guide, c’est un peu flou mais le fonctionnement des toilettes et douches n’a plus de secret pour moi. Un hollandais bien plus anglophone sourit en voyant ce spectacle. Je le reverrai m’apporter mon repas du soir, on ne sait pourquoi. Un double hot dog et une salade composée pour une solitude heureuse.

Il ne reste plus qu’une poignée de kilomètres avant de mettre fin à cette charmante promenade estivale.

Profitons encore.

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12août 2022

Vacances à Wijk

Un jour de repos à Wijk aan Zee a évidemment le goût de vacances. Ça commence par l’abolition des tâches matinales, plier sa tente et faire le paquetage. Les peu nombreux jours chômés sont traditionnellement consacrés à se requinquer. Et nous voilà au « pavillon de plage » pour un deuxième petit déjeuner face à la mer. Papoter et rêvasser en buvant du café. Puis une petite balade au plus près de l’eau, autant digestive qu’apéritive. On décide plus ou moins du programme du jour, louer des vélos pour retourner au Noordpier (port nord) où nous étions descendus du bateau hier, peut être retraverser vers IJMuiden pour en profiter plus calmement…Après le repas, nous sommes en selle, notre vitesse règle la clim. L’ambiance au port est plus pêche que plage, il y a moins de monde. Trop tard pour prendre un bateau qui traverse, nous opterons pour la pause à l’ombre au bout de la jetée. Puis, prélude parfait à notre coucher de soleil de luxe, un repas avec les doigts au street food market, blindé de monde.

Une journée si vite passée.

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11août 2022

Interminable

L’IJ, entre fleuve et mer intérieure se jette à IJMuiden. C’est une des portes maritimes vers l’Angleterre comme l’était Maassluis. Nous n’aurons pas d’autre choix que celui de passer en bateau pour continuer la promenade côtière. Pour rejoindre le port, il faut d’abord traverser le parc naturel qui promet une beauté dunaire ombragée. Dans ce pays à l’espace compté, une réserve naturelle tiendrait plus d’un jardin public pour un Canadien. La patte d’oie qui se présente ensuite nous offre le choix et son embarras entre l’itinéraire piéton ou cyclable, un peu plus long. Nous sommes des piétons rapides, également des cyclistes lents, on peut toujours choisir. Nous cochons l’option pédestre, le revêtement du chemin semble engageant et l’idée du raccourci kilométrique alléchante. Mais notre partenaire californien GoûtGueule jusque là topographiquement irréprochable commence à nous jouer des tours. La piste en stabilisé se fait rapidement sableuse, nous avançons au rythme d’un plongeur sous-marin, au ralenti. Nous profitons malgré tout au mieux de cette chaude randonnée. Mais au moment de sortir du parc pour atteindre l’asphalte des bicyclettes, nous butons sur un grillage de deux mètres de haut quand notre outil d’orientation indique un passage à travers la clôture en fer, pourtant infranchissable. Un peu désabusé, je propose une légère effraction pour une exfiltration plus rapide. La tâche s’avère plus ardue que nous le pensions et nous abandonnons cette tentative d’évasion vandalistique devenant vite chronophage. Résignés au détour, nous puisons dans nos réserves de courage. La ville se dresse maintenant devant nous, elle se résume au long du canal avec au bout les gros ferries, et notre petit bateau. Il est tard, il fait chaud, nous sommes fatigués et affamés. Le centre-ville d’IJMuiden est plutôt laid et sale, pas grand monde dans ce quadrillage de rues à l’allure de cité dortoir. La pause burger nous offrira une contemplation plus poussée de ce tableau. L’idée saugrenue me prends alors de faire escale dans ce décor, véritablement différent de ceux rencontrés jusque-là. Un bon ras le bol, l’autre argument. Mon camarade ne s’y oppose pas et j’appelle deux hôtels, malheureusement complets. Heureusement je n’oublie pas de me renseigner sur les horaires du bateau qui traverse l’IJ. C’est bien simple, il nous reste exactement vingt minutes pour attraper le dernier. Les doigts encore vernis du gras de notre mauvais sandwich, nous nous activons, en rotant la frite, mais sérieusement car ce navire est notre salut. Mouillés de chaud, on arrive à point. La récente passerelle est aux normes, 80cm de large, on s’y enfile. La porte de l’embarcation, bien plus datée fait dix centimètres de moins, on est bloqués. En un clic, on enlève une roue, compense le poids en avançant à bord. Le problème est réglé, nous célébrons ce sprint digestif en nous offrant une boisson gazeuse. Les dix minutes de croisière nous font croire au paradis, on en oublierait presque les derniers pas incompressibles jusqu’au camping de Wijk aan Zee, une ligne de droite de quatre kilomètres. Nous nous écroulons à l’emplacement n°6 qui nous est réservé. L’aciérie toute proche nous bercera toute la nuit.

Demain sera chômé.

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10août 2022

Mon poulet

Nous profitons cette fois de la légalité pour faire un petit déjeuner détendu au camping. Au mois de juillet j’étais le lapin de Bruno. Avec le mois d’août, je suis devenu le poulet de Bertrand. Sans oublier que le reste de l’année, je suis le chat de ma maman. J’aime ces marques d’affection qui contribuent à la bonne humeur.

Sur la carte, Zandvoort a l’air d’une grosse station balnéaire. En vrai, c’est juste énorme. Et j’aurais l’impression d’y passer la journée. Le front de mer est infini, la plage est noire d’un monde blanc qui sera rouge tant ça tape fort, et malgré l’air marin. Cette fois, on ne peut repartir sans avoir fait réparer ce rayon de Carrossa. Il faudra un peu tâtonner pour trouver un réparateur qui a la pièce, une simple tige de fer pour une roue de vingt pouces. Cette Carrossa, il lui manque un rayon. Le gars qui va le réparer, il lui manque une jambe, pas pareil. Mais Monsieur a l’œil vif et malin et je vois bien qu’on pourra s’entendre. Je lui fais le topo, on voyage à pied depuis longtemps etc… Je lui montre la blessure, il me dit que l’atelier est complet pendant trois jours. Mais malgré son infirmité, il a l’air plus souple en négociation que ces collègues. Je le vois dévaler l’escalier en béquilles et remonter avec la pièce et l’outil. Il changera le rayon sur le trottoir, en tordant le bout d’acier pour éviter de démonter la roue. Donne moi cinq euros, l’affaire est faite. On a plus qu’à traverser la rue pour un Mixed Grill chez Fredo le Grec. Je rajoute une glace, on est au bord de la mer, même si j’ai pas de claquettes.

Et que voilà les kilomètres de fin de journée où on traîne sa vieille carcasse jusqu’au camping. Le scénario est invariable, on a chaud, on multiplie les pauses, on trouve ça long, la tête est lourde, les jambes dures. Le Zeeweg 71, du nom de son adresse, le chemin de la mer, est au bout de la piste. Quelques emplacements autour d’un charmant étang, une douche délicieuse, une bière fraîche qui ne l’est pas moins. Comme toujours, les hollandais se rentrent tôt, nous sommes les fêtards, attendant le levée de la pleine lune à un peu moins de 23h. Le taux d’humidité et l’absence totale de public écourtera la Full Moon Party assez rapidement.

Alors on se lave les dents.

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09août 2022

Les 1000 bornes

Pas question de traîner au lit quand on est illégal. Nous plions vite le camp avant que le soleil ne révèle notre présence. Ma tente est une serpillière, Bertrand semble avoir moins de sueurs nocturnes…

Nous revoilà sur la fietspad goudronnée comme si rien ne s’était passé. Un anniversaire hier, mes mille kilomètres aujourd’hui, la piste prend un air de fête. On décalera malgré tout le toast du point précis, n’ayant rien dans notre besace pour trinquer dignement. C’est aussi à Katwijk que j’aimerais faire examiner le rayon cassé de cette brave charrette. Nous stoppons net au premier snack de bord de mer pour un encas très populaire: une fricadelle, de la bière et des frites. Le tout en petite quantité histoire de repartir. Le mécano vélo a lui aussi choisi le même créneau horaire pour aller manger sa fricadelle. Et je nous voie pas attendre deux heures pour un rayon. On se réserve un Natuurkamperterrein, une catégorie de camping alliant tranquillité et prix doux. Mais avec la chaleur s’accentuant, la route est encore longue jusqu’à Noordwijk et il nous faudra un deuxième round de junkfood pour se remettre à flots. Nous prendrons le temps qu’il faut pour éviter la surchauffe, toujours menaçante en milieu de journée. Au bout de 27km, nous atterrissons sur notre « terrain de camping naturel », accueillis par Fushia, une volontaire d’une soixantaine d’année. Il s’agit d’un réseau de campings à la charte écologique intransigeante mais peu contraignante car pleine de bon sens, ça nous convient parfaitement. Bertrand, peu bavard et par conséquence très observateur, connaît maintenant mes rituels, tics et manies accumulés par deux mois de nomadisme. Il a très vite compris ma config et nous pouvons nous délester des lourdeurs logistiques, essentielles mais peu distrayantes. Il n’y a plus qu’à extraire le nectar du voyage à pied. Nous sommes partis hier, ça pourrait être il y a deux mois. Nous sommes en 2022, ça pourrait être en 2012 ou en 2032.

Marcher ensemble, c’est un peu sentir l’éternité.

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08août 2022

En avant

Tetris à deux, Tetris des dieux. A 10h, la Carrossa est prête pour sa dernière session en binôme. Cap sur La Haye que je ne connais que pour son tribunal. Nous saluons la mer avant de prendre chemin, la piste cyclable qui suit le littoral derrière la dune. Les premiers pas nous mettent au parfum dunaire et nous commençons cette marche sous les meilleurs hospices. Au loin, la grande ville se profile déjà. Premiers grands ensembles d’immeubles d’abord, puis la ville moderne et son port de plaisance. Nous traverserons ensuite un quartier plus historique à la hauteur plus raisonnable. On s’y sent tout de suite moins petits et nous en profitons pour se rafraîchir d’un soda américain au goût inimitable. Le Parc Naturel s’ouvre à la sortie de la ville. Il y est bien sûr interdit de bivouaquer et c’est pourtant ce que nous comptons faire puisqu’il n’y a pas vraiment d’autres options et que nous sommes quand même des Français indisciplinés. En ligne de mire, la ferme de Meyendel d’où partent quelques chemins forestiers qui pourraient faire l’affaire. La fin d’après-midi approchant, on peut commencer de prospecter. Je repère vite un endroit facile et faisable mais c’est un peu prématuré. On tournicote un peu. J’enfile le panneau solaire autour du cou pour optimiser la charge des portables, il ne faudra pas compter sur une prise murale ce soir. Dans cet accoutrement malheureusement futuriste, je me fais interpeller par un Marocain reconnaissable à son geste de poignet tournant quand la situation lui est incompréhensible. Je lui explique charger mon téléphone gratuitement. Tout s’explique maintenant, il comprend. Quelques mots en darija, le marocain parlé pour apprendre qu’il vient de Larache, au nord du Maroc sur la côte atlantique. J’ai visité Larache et nous nous quittons sous de chaleureux sourires un peu masqués par nos barbes respectives. L’heure tourne et nous sommes toujours dans l’expectative quant à ce bivouac. Nous avons également l’anniversaire de mon invité à célébrer. Donc je propose de retourner à mon premier repérage pour une éviter une errance trop longue. Nous y serons bien logés, pas visibles, sauf du ciel. Et, effectivement, seule la ronde d’un hélico affairé à autre chose viendra saupoudrer d’un zeste de parano notre soirée de sérénité. L’alerte passée, nous retrouvons la chaleur soporifique des endorphines, fabriquées en quantité après quasiment trente kilomètres.

Joyeux anniversaire mon poussin.

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07août 2022

Meeting Point

C’est le jour des retrouvailles. Je suis sensé retrouver Bertrand à Rotterdam pour un après-midi urbain. Mais quand ça veut pas, ça veut pas. Et cette parenthèse de mobilité moins douce sera un échec… Un arrêt de bus qui n’existe plus pour travaux puis un métro à l’arrêt à cause d’un pont effondré font que je jette l’éponge et échoue à quatre kilomètres de mon point de départ. Les dieux des transports seront plus cléments avec Bertrand qui me rejoindra sans le moindre accroc depuis la grande ville. Et la place centrale du bled n’a jamais vu de si beau monde. Un tour à la plage, une tournée de croquettes, une bonne nuit de sommeil et demain nous irons, pour le meilleur et pour le pire mais surtout pour le meilleur.

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